Il y en aurait long à dire sur cet interminable débat entre les tenants d’une pratique idéale de la psychanalyse et les autres, les malchanceux, ceux qui sont « obligés » de pervertir cet or pur psychanalytique en ce vil cuivre (1) qu’est la pratique de la psychothérapie psychanalytique. De son côté, l’Association des psychothérapeutes psychanalytiques du Québec (APPQ), n’a pas échappé à cette polémique, elle qui lors de son tout premier colloque en 1987, lui a donné le titre suivant : «Psychothérapie Psychanalytique   ← Psychanalyse ».

Évidemment, à la lecture de ce titre, l’interprétation à donner au sens unique cette flèche risque un peu moins de susciter la controverse: elle illustre bien dans la tête de ceux qui l’ont imaginé tout le poids de la dette qu’elle suggère. Et pourtant….

Pourtant, ils sont nombreux ceux qui, au quotidien, dans des milieux de pratique les plus divers et parfois assez éloigné du dispositif original « divan fauteuil », cherche à s’en approcher sans jamais vraiment y parvenir. On se dit alors que le salut est peut-être dans la formation, dans la lecture, ou dans la fréquentation de tel ou tel séminaire. On se plait à rêver que l’admission à l’Institut pourrait peut-être pallier à cet état de fait…. Mais au fond la question reste toujours la même: qu’est-ce qui me manque ?

Ainsi, pendant longtemps, pour les psychothérapeutes psychanalytiques, il a été difficile de ne pas faire face à une sorte de dépréciation de leur modèle : dévalué, critiqué, parfois subtilement avec des accents toniques. Parfois aussi plus franchement avec des… « trop de perceptions et pas assez de retrait »(2). Mais au bout du compte, faut-il s’en étonner : pour plusieurs, la psychothérapie psychanalytique ne pouvait être qu’un succédané de l’autre. Un peu plus et on pourrait même penser que ce dispositif premier a acquis à leurs yeux, une valeur…sacrée. Et comme chacun le sait, le sacré a tendance à tenir le profane à distance.

Pourtant des chemins ont été ouverts, des sentiers ont été tracés. Qui se souvient par exemple de René Roussillon et de ses dispositifs symbolisant ? N’est-il pas celui qui a cherché à établir avec le plus de clarté et d’intelligence un cadre constitutif pour la psychothérapie psychanalytique ? Or, au moment même où cette dernière est évacuée presque manu militari des institutions de soins en santé mentale au Québec, faut-il abandonner notre espoir de lui redonner la place qui lui revient ? Au moment même où la crise sanitaire mondiale fait voler son cadre en éclat avec des dispositifs de proximité virtuelle, faut-il abandonner nos recherches ?

Polémique donc, dès l’origine. Et pourtant tant de choses restent encore à dire…

Vincent Cardinal
Psychologue, psychothérapeute psychanalytique
1-C’est à tort que l’on a attribué à Freud l’emploi du mot plomb à propos de la psychothérapie. Il s’agit en fait d’une erreur de traduction. Celui-ci aurait plutôt employé le terme « cuivre » moins connoté négativement.
2-Je pense ici au dispositif en face à face qui met le psychothérapeute sous le regard direct de son client.