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  • Conférence web diffusion
     2020-06-19
     12:00 - 13:00
Luc Magnenat :

Monsieur Magnenat est psychiatre et psychanalyste, membre formateur de la Société Suisse de Psychanalyse et membre du comité de rédaction de L’Année Psychanalytique Internationale. Auteur de nombreux articles, il est aujourd’hui intéressé à rompre silence de la psychanalyse quant à la crise environnementale en s’engageant dans des échanges interdisciplinaires sur ce sujet. Il est l’invité de l’Association des psychothérapeutes psychanalytique du Québec (APPQ) à l’occasion de son trente cinquième anniversaire de fondation.

Questions que nous posent la pandémie:

1)  Les directives des autorités gouvernementales en période de pandémie modifient notre milieu physique de travail. Elles entraînent un changement dans l'application habituel du cadre de l'approche de la psychothérapie psychanalytique.

Qu'elles seront les implications de ces changements sur le processus même de la psychothérapie psychanalytique?

2) Qu'est qu'il adviendra dans nos bureaux après cette crise sanitaire?

Dans l'après-coup de ces changements au cadre, nous aurons à traiter du désir du retour mais aussi de  la résistance tant de la part du patient que du thérapeute à la réinstallation du cadre originel.

3) À quoi comme thérapeute nous envoie les modes de communication de télé-psychologie ( téléphone et télévisuel) ?

Pour les jeunes  thérapeutes, est-ce qu'il existe un risque d'assimiler cette nouvelle expérience thérapeutique à leur mode habituel de communication dans leur échange personnelle versus professionnel?

Pour les plus âgés, l'effacement de la distance entre le personnel et le professionnel peut-il s'avérer moins grand?

Comment, après cette période de travail,  le cadre psychanalytique retrouvera ses lettres de noblesse et son efficacité?

Le conférencier abordera les questions posées par le président M. Louis-Paul Nolet en évoquant les points suivants :

• Les mesures gouvernementales qui ont accompagné la crise du coronavirus ont questionné notre identité et notre roman professionnels. En tant que médecins, par exemple, nous avons pu nous sentir soumis à l’autorité de l’Office National de la Santé de nos pays. En tant que psychanalystes et psychothérapeutes, nous avons pu nous sentir indépendants.
• Nous avons donc eu des choix identitaires à faire pour guider nos options techniques. Pour ce faire, il nous a fallu écouter notre clinique, et évalué l’angoisse de nos patients à se déplacer à nos cabinets : l’ancrage dans la réalité de cette angoisse et sa résonnance fantasmatique.
• Portés par le transfert, certains patients, par exemple immunodéprimés, sous-estimaient la dangerosité des déplacements, d’autres se sentaient mis en danger par ceux-ci d’une manière qui interférait avec le processus analytique.
• Il nous a donc fallu gérer le timing du basculement de notre pratique sur le téléphone en fonction de de la variété de ces angoisses qu’il ne s’agissait pas seulement d’interpréter, pense le conférencier, mais qu’il s’agissait aussi de « prendre en soin » par des adaptations du cadre.
• Nous avons vécu des pertes : la perte de notre cadre psychanalytique habituel, la perte de la présence corporelle (et par conséquent une atteinte à la communication par identification projective et introjective, fondée sur la danse de la mimique et de la gestuelle corporelle), et la perte relative de notre enveloppe groupale professionnelle (nos rencontres dans nos Centres de psychanalyse ou avec notre Association de psychothérapeutes).
• Nous avons pu temporairement idéaliser notre confinement (hors de la précarité, en projetant notre précarité professionnelle sur la précarité d’autrui) de manière défensive par rapport à un vécu traumatique de ces pertes et du danger encouru, un vécu traumatique qui nous est secondairement apparu, par exemple comme une très grande fatigue.
• Le vécu clinique de ces pertes a été très variable selon la personnalité de nos patients. Il a été très contrasté.
• Par exemple, dans la pratique du conférencier, un patient au fonctionnement très psychotique a interrompu son analyse au moment du déconfinement, le manque et les pertes devenant excessivement concrets et persécuteurs par difficulté à les vivre de façon abstraite, dans le registre de la symbolisation plutôt que dans l’équation symbolique.
• Par contre, un patient au fonctionnement névrotico-normal a vécu le manque et les pertes du confinement-déconfinement comme une confrontation maturative à la scène primitive, source de perlaboration de sa situation oedipienne.
• Cette clinique permet de faire l’hypothèse, en la rapportant à la dualité fondamentale de notre personnalité, psychotique et non psychotique, que chacun d’entre nous a été touché de façon très conflictuelle dans sa dualité psychotique et non psychotique.
• Un dernier constat : l’expérience sanitaire, émotionnelle et politique de cette épidémie a été partagée, avec plus ou moins de précarité, par l’ensemble de l’humanité. Ce fait est peut-être historiquement unique. Avec cette épidémie, en étant informés globalement et en temps réel de son évolution, avec la possibilité que chacun soit frappé, nous avons vécu collectivement et simultanément une expérience mondiale commune et angoissante. Nous pourrions dire que la crise du coronavirus a créé, temporairement, une « culture mondiale ». C’est un peu comme si nous avions revécu collectivement le mythe de la Tour de Babel. L’arrivée de l’épidémie a uni l’humanité dans la construction d’un confinement, puis le déconfinement nous disperse dans nos différences de langues et de cultures.
• Le conférencier pense qu’un problème technique découle de ce « monde partagé » avec nos patients, de par la langue commune que nous avons partagée avec eux à propos de cette expérience commune. Dans cette crise, les histoires des uns et des autres se sont chevauchées, enchevêtrées, superposées. Lorsqu’une réalité historique fait irruption dans notre cabinet de consultation sans nous laisser suffisamment de temps pour la perlaborer, lorsqu’un excès d’informations factuelles envahit le champ transféro-contre-transférentiel, lorsque le patient offre à l’analyste des récits qui font partie de la vie quotidienne de l’un et de l’autre, il est possible que la paire analytique soit prise dans une forme particulière de relation transféro-contre-transférentielle fraternelle partagée susceptible d’annuler la différence générationnelle symbolique qui fonde le cadre analytique. De l’asymétrie des fonctions nous passons à la symétrie de celles-ci.
• Il est alors possible que l’analyste ou le psychothérapeute soit empêché de reconnaître des contenus inconscients significatifs dans le discours actuel apparemment factuel de son patient, et qu’il abandonne en quelque sorte son patient en entrant tacitement avec lui dans une collusion inconsciente pour ne pas analyser ce qui serait analysable, comme pour mieux protéger une identité sociale commune de victimes d’un temps de crise partagé, comme pour mieux refouler une tristesse et une colère de l’attaque à son cadre habituel de travail que constituent les mesures de confinement. C’est ainsi, pense le conférencier, qu’une crise comme celle du coronavirus peut nous exposer à une faute non seulement technique, mais aussi éthique : l’abandon de notre patient par l’abandon de notre position psychanalytique.

Références bibliographiques [+]

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N/A, Montréal, Québec, Canada

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