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  •  2023-03-15
     18:30 - 21:00

Problématique

Vers la fin du mois de février 2022, alors qu’on se délestait doucement des mesures sanitaires liées au coronavirus et que, simultanément, se manifestait le déclaré «très contagieux» variant Omicron BA.2, c’est en ce mois de pluies verglaçantes, de temps froid et de fatigue pandémique que… nous avons vu les chars russes envahir l’Ukraine et assisté, abasourdis, à l’agression-destruction des villes et des vies : Kharkiv, Marioupol, Kherson, Kiev, les villes du Donbass. Crimes de guerre. Viols. Déshumanisation. Barbarie. Sale guerre. Absurde et illégitime guerre. Génocide sous nos yeux ahuris.

Fin mars, nous avons écouté au milieu des ruines de Kharkiv un violoncelliste professionnel interpréter une Suite pour violoncelle seul de Bach, puis une jeune pianiste exécuter une Étude de Chopin dans leur salon dévasté en banlieue de Kiev et, encore, les musiciens et chanteurs de l’Opéra d’Odessa qui ont interprété Va pensiero devant la salle d’opéra barricadée…

Va, ma pensée, sur tes ailes d’or

Va, pose-toi sur les pentes, sur les collines

Où embaument, tièdes et tendres

Les douces brises du sol natal!

Salue les rives du Jourdain

Les tours abattues de Sion

Oh ma patrie si belle et perdue!

Ô souvenir si cher et fatal!

Les Ukrainiens puisent dans la mémoire collective, dans leur répertoire national[1], dans la musique européenne, dans la danse et dans la poésie pour personnifier leur pensée libre et leur humaine condition sous les bombardements, les détonations et les menaces d’attaque nucléaire. Alors qu’on entend des bombes éclater non loin de lui, ce chœur héroïque tutoie la pensée, la patrie, le souvenir. L’air célèbre du Nabuccho de Verdi rappelle le psaume 137 du livre des Psaumes chanté par les Hébreux réduits en esclaves après la prise de Jérusalem et exilés à Babylone.

Ces audacieux actes de vie et de résistance au cœur des ruines sont si émouvants. Des actes de courage et non «des parenthèses musicales entre les bombardements» comme disent les réseaux sociaux. Ici, la mémoire collective est mémoire affective, mémoire consolatrice, comme le suggère l'historien Gérard Bouchard. Je transmets aussi, ici, la réflexion de l'écrivain, metteur en scène et acteur Larry Tremblay : «Autant être franc et direct, je n'aime pas l'époque actuelle. Il y a des moments où elle me dégoûte et où je me dégoûte moi-même devant mon impuissance à changer quoi que ce soit à ce qui m'entoure. La guerre en Ukraine et notre incapacité à demeurer indignes devant cet acte de barbarie au-delà des premiers bombardements ont aggravé ce sentiment de dégoût.» («La liberté kidnappée», in Le Soleil numérique, 1er septembre 2022).

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La mémoire collective est un concept difficile à définir. Pour l’historien québécois Jocelyn Létourneau (professeur, Université Laval), elle est un complexe de faits, d’images et d’énoncés relativement organisé et à travers lequel le passé, le présent et le futur sont envisagés, assimilés et conceptualisés. La mémoire collective est en quelque sorte le fonds idéel commun qui se constitue à l’intérieur du processus de construction d’un monde vécu par l’activité communicationnelle. La mémoire fait le pont entre l’héritage reçu et celui qu’on lègue aux descendants. On devrait sans doute parler de mémoires collectives, car elles sont très nombreuses à traverser l’espace interactif et dialogique des collectivités.

Permettez-moi d’illustrer par deux exemples concrets ma compréhension de la mémoire collective telle que spatialisée dans des artefacts ici et là dans le monde.

Premier exemple, local : le moulin à vent de Pointe-Claire (dans l’Ouest de l’Ile de Montréal) fut construit en 1709-1710 sous le régime français par les Sulpiciens afin de moudre le blé. Il a cessé de tourner en 1866. Il est l’un des 18 derniers moulins à vent du Québec, classé «bien archéologique» en 1983. Le lieu où il fut érigé (la Pointe de Pointe-Claire) avec sa vue imprenable sur le lac Saint-Louis est un site patrimonial[2]. Or, ce moulin à vent est à l’abandon, les derniers travaux datant de 1980. Qu’on soit résident ou touriste, il est navrant de voir ce monument du passé laissé en si piteux état dans un si bel endroit. Pourquoi ne lui redonne-t-on pas son apparence d’origine, pourquoi ne pas le stabiliser, restaurer sa maçonnerie, sa calotte, sa guivre, sa porte, sa fenêtre et ses ailes, lui rendre son importance culturelle et architecturale nationale, le classer monument historique voire le commémorer avec une plaque?

Au lieu de se doter de règlements et de politiques pour le financer et en améliorer la valeur, les officiels et bailleurs de fonds auraient-ils lavé notre mémoire dans l’eau de l’oubli ou dans celle du déni de notre passé agricole, francophone et religieux? Ce lieu de ressouvenance en sera-t-il un autre dont on ne parlera bientôt plus[3], réduits à nous satisfaire de son pâle reflet, le logo-moulin de la Ville exhibé sur tout document municipal officiel, sur son site électronique et sur les écrans cathodiques urbains?

Quelle(s) mémoire(s) collective(s) laisse-t-on ainsi dans l’ombre? Celle des moulins à vent espagnols contre lesquels se bat vainement Don Quichotte, celle du rêve que fait Booz endormi auprès des boisseaux de blé, celle de nos liens fraternels avec les moulins à vent érigés à travers le monde (Espagne, France, Hollande, etc.)? Ce refus d’investir dans la réparation d’un vieux bâtiment inutile et désuet recoupe-t-il notre rapport à la vieillesse humaine, la grande vieillesse des CHSLD décédée dans les conditions indignes que l’on sait pendant la première vague de la pandémie, la grande vieillesse sans nom ni sépulture réduite à une statistique historique?

Deuxième exemple, tiré de l’Empire du Milieu : les veillées aux chandelles sont désormais interdites dans le parc Victoria le 4 juin à Hong Kong. Cette année, les autorités chinoises ont interdit tout rassemblement public en lien avec le trente-troisième anniversaire de la répression de la place Tiananmen à Pékin — anciennement appelée Place de la porte de la Paix céleste. L’expression «mouvement du 4 juin» est taboue, les manuels scolaires l’évoquent brièvement comme «troubles de 1989». D’une année l’autre, l’historiographie chinoise fait disparaître ces événements sombres, ré-écrit une histoire sans passé et sans culture pour les générations futures et pour leurs «ancêtres».

La mémoire de Tiananmen survivra-t-elle malgré le déboulonnage en 2021 par les autorités chinoises du Pilier de la honte, sculpture du danois Jens Galschiot érigée en 1998 sur le campus de l’université de Hong Kong pour rappeler la répression sanglante des révoltes étudiantes de 1989 sur la place Tiananmen par la dictature chinoise? La mémoire de Tiananmen survivra-t-elle malgré la fermeture du musée Tiananmen en 2016? Fera-t-on taire les chansons commémoratives des Pékinois et des Hongkongais? La Place de la porte de la Paix céleste arbore bien son nom, ironiquement. De la même façon, en bombardant musées et lieux culturels majeurs ukrainiens, l'objectif du maître du Kremlin n'est-il pas d'effacer, de supprimer le patrimoine et l'héritage culturel ukrainien? Va pensiero.

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Je ferme provisoirement cet «argumentaire» en remerciant haut et fort nos artistes, littéraires, intellectuels, psy et scientifiques qui, depuis jadis et naguère, tissent leurs récits avec « la langue rapaillée québécoise » (Radjoul). Notre mémoire collective est ancrée dans une parlure singulière, une langue belle trempée d'amérindianismes.

Membres et amis de l’APPQ, ne perdons pas de vue l’idée du débat : préparons cette soirée en réfléchissant au thème de la mémoire collective et aux mémoires collectives. Préparons la discussion avec nos témoignages, vignettes cliniques, interrogations. Élevons-nous dans l’exercice de pensée. Ouvrons l’espace du dicible, un espace d’échanges libre et raisonné. Relions-nous aussi dans le plaisir, nous en avons tant besoin.

Questions (quelques questions renvoient à la mémoire individuelle, d'autres, à la mémoire collective) :

Avez-vous des lieux de mémoire près desquels votre pensée se recueille ou se révolte? Des lieux effacés, détruits, anéantis? Des lieux réhabilités?

Reconnaissez-vous, dans votre travail clinique, des fils conducteurs déterminants dans le processus du souvenir, de la mémoire et de ses défaillances — oublis, impressions de «déjà vu», répétition prenant la place de la remémoration, perte de mémoire, trous de mémoire, amnésie infantile, refoulement, déni?

Y a-t-il des mots, des expressions, des locutions, des formules qui agissent comme embrayeurs de la mémoire collective québécoise? Si je vous suggère les mots suivants — la Révolution tranquille, Mégantic, Eugène-Étienne Taché, la loi 101, la conscription, la déportation des Acadiens, la Conquête, Polytechnique, Refus Global, Empress of Ireland, Miguasha, Octobre 70, Idola St-Jean, Guy Lafleur, Félix Leclerc, féminicides — les souvenirs qui émergent sont-ils inspirants ou nostalgiques?

Comment comprenons-nous ce que veut dire la devise du Québec : « Je me souviens »?

Pouvons-nous identifier quelques traumas de la francophonie canado-québécoise depuis le 17e siècle?

Quelles sont les séquelles intergénérationnelles des pensionnats autochtones et des enfants disparus sans sépulture? Le passage du pape François au Québec nous lave-t-il de l'entreprise coloniale canadienne de déracinement et d'assimilation religieuse, militaire, commerciale, policière, linguistique des Premières Nations?

Y a-t-il des similarités entre les traumatismes vécus par les survivants de l'Holocauste et les traumatismes vécus par les survivants des pensionnats autochtones? Mieux connaître les impacts intergénérationnels des traumatismes collectifs et historiques aide-t-il à les surmonter (réconciliation, pardon, guérison...)?

Du point de vue de « l'ethnocide » (selon le mot de l'historien Denys Delâge) des Premières-Nations au Canada, quelle est l'incidence thérapeutique de tout ce travail d'historisation, de ces différents «gestes» de vérité, de réconciliation et de réparation pour les survivants des pensionnats et pour leurs enfants des 3e et 4e générations? Des gestes comme :

D'une part, au plan fédéral, la Commission de vérité et réconciliation du Canada (CVRC - créée en 2008), le Registre public des noms des enfants décédés dans les pensionnats mis en ligne par la CVRC en 2019, la création, en 2021, du 30 septembre Journée nationale de la vérité et de la réconciliation - journée du chandail orange, devenu un symbole commémoratif d'un sombre chapitre de l'histoire canado-québécoise, l'inscription, en 2019, du CNRV (Centre national pour la vérité et la réconciliation) dans la section canadienne de la Mémoire du monde de l'UNESCO qui a aussi consacré les années 2022-2023 Décennie internationale des langues autochtones.

D'autre part, aux plans provincial, régional et international, la reconnaissance du statut de personnalité juridique de la rivière Magpie sur la Côte-Nord («personnalité environnementale» qui a 9 droits juridiques, une première au Canada) reconnaissance permettant au comté de Minganie et aux Innus d'Ekuanitshit de la protéger du développement hydroélectrique et de la préserver pour les générations futures, la création du Mât totémique des pensionnats par l'artiste kwakiuti Charles Joseph (survivant de pensionnat en Colombie-Britannique), sculpture qu'on a placée devant le pavillon Hornstein du Musée des beau-arts de Montréal en 2017, l'attribution par le jury de l'Expo World Press Photo Montréal (le plus prestigieux concours international de photographie professionnelle) du titre de la photographie de l'année 2022 à la photo Kamloops Résidentiel School publiée dans le New York Times par la photographe albertaine Amber Bracke : des robes rouges sur des croix de bois commémorent les enfants décédés au pensionnat de Kamloops en Colombie-Britannique, une photographie saisissante. Quelle est, dis-je, l'incidence thérapeutique — individuelle, communautaire, collective, nationale, internationale — de ces gestes politiques, juridiques, artistiques, écologiques? Les enfants d'aujourd'hui portent-ils encore la souffrance de leurs (arrière-)grands-parents?

«Doudouk - souffle divin / Accrochant à nos coeurs / L'espoir de nos anciens / Racines de nos pleurs / Doudouk, flûte sauvage / Ton appel infini / Est un puissant breuvage / S'opposant à l'oubli.», Doudouk, flûte de nos montagnes, Missak Medzarentz (1885-1908).  Qui se souvient et comment se souvient-on du génocide arménien, de cette guerre qui leur a arraché leurs terres, leurs provinces, leurs ancêtres — un million et demi de personnes brûlées par le feu ou jetées à la mer? Une guerre encore ignorée, effacée, tabouïsée, jamais inscrite dans le monde? Les textes de Janine Altounian sur l'héritage traumatique, la mémoire des proches assassinés, la survivance et le deuil post-génocidaire — ces textes sont encore devant nous, appellent à être (re)lus, transmis, discutés.

Quel est le rôle de la mémoire collective  à la suite d'un traumatisme de grande ampleur? — l'accident ferroviaire du Lac-Mégantic (2013), les catastrophes nucléaires de Tchernobyl (1986) et de Fukushima (2011), les milliers d'aîné.e.s morts de la covid-19 en CHSLD (2020-2021), la tuerie de Polytechnique (1989), les ouragans Katrina (2005) et, plus récemment, Fiona et Ian, les gigantesques feux de forêt en Alberta (2016), en Colombie-Britannique (2017), en Californie (2021, 2022), l'explosion de 2 750 tonnes de nitrate d'ammonium dans le port de Beyrouth au Liban en août 2020 qui a fait 215 morts et 6 500 blessés, la chute des tours du WTC à New York (2001), l'attaque de la grande mosquée de Québec (2017), les bombardements sur les villes japonaises d'Hiroshima et de Nagasaki (1945), le génocide des Tutsi (1994), le génocide culturel des Ouïghours, séisme et tsunami de 2004 au Sri Lanka, tremblement de terre de 2010 en Haïti, féminicides, filicides, migrants climatiques — des événements terribles, terrifiants, dévastateurs sur une longue durée. Et comment penser avec les jeunes libanais nés en 1980 que, dans un pays où l'on n'enseigne plus l'histoire, ils ressentent l'explosion d'août 2020 comme un traumatisme vécu en commun, une tragédie qui les lie comme jamais ils ne se sont sentis liés?

Qu'en est-il de notre rapport à la mémoire qui flanche? Les 50 ans, en l'occurrence, voilà toute une génération qui accompagne un proche parent vieillissant et qui, souvent, doit composer avec les pertes progressives de la mémoire, du langage, du raisonnement. Que peut l'approche psychothérapique pour les aidants naturels?

Il y a l’état du passé, passé simple, passé antérieur, passé composé, imparfaits : quels temps du verbe pour la mémoire collective?

En se plaçant du point de vue de la mémoire collective, peut-on articuler le concept d’Inconscient de la pensée freudienne et celui d’inconscient collectif de la pensée jungienne?

Les crises actuelles nous obligent à réfléchir à l’incertitude, qui en est la principale caractéristique. En tant que cliniciens et cliniciennes la formule «attends-toi à l’inattendu» n’est-elle pas inhérente à notre écoute de l’Inconscient? Sommes-nous davantage préparés à composer avec des catastrophes (psychiques, subjectives) voire à les anticiper, à les prévenir, à les contenir?

«Depuis que la mort ne veut plus rien dire au-delà d'elle même, qu'elle n'est plus autre chose qu'un événement (ou un acte) clinique, c'est la question de l'avenir qui s'efface. On pourrait même parler d'une crise de l'avenir.» [4] Puisque la psyché se présente comme un appareil à mémoires [5], trouverons-nous quelque façon d'articuler ensemble le souvenir au devenir?

[1] Prière pour l’Ukraine (2014) : la dernière œuvre du compositeur  et pianiste ukainien Valentyn Silvestrov (né à Kiev en 1937) est devenue un symbole de résistance dans son pays.

[2] Le moulin partage la pointe avec le couvent des Sœurs de la Congrégation de Notre-Dame qui n’est plus occupé depuis 2014. Sur les rues avoisinantes, le charmant village de Pointe-Claire constitue le noyau historique de la Ville.

[3] Dans son bel essai, Marie-Hélène Voyer montre que le patrimoine bâti constitue un marqueur fondamental de notre identité et de notre histoire : L’habitude des ruines. Le sacre de l’oubli et de la laideur au Québec, Lux, 2021.

[4] Mathieu Bélisle, Ce qui meurt en nous, Leméac, 2022, p. 53.

[5] Dès 1900, au chapitre VII de L'Interprétation des rêves, Freud explique le fonctionnement de l'appareil psychique en le représentant comme une sorte de microscope compliqué, d'appareil photographique. Nos perceptions y laissent une trace mnésique. La mémoire est la fonction qui s'y rapporte. Freud soutient qu'il existe différents «systèmes mnésiques», autrement dit plusieurs mémoires.

Formule : deux invitées disposeront chacune d'une période de 30 minutes pour nous faire part de leur réflexion. Il y aura ensuite une période de discussion d'une heure environ avec les participants. Si le temps le permet, nous fermerons la soirée par une lecture choisie tirée d'un texte lié au thème.

Invitées :

Garine Papazian-Zohrabian est professeure titulaire au Département de Psychopédagogie et d’Andragogie de l’Université de Montréal. Elle est Directrice scientifique de l’Équipe de recherche interdisciplinaire sur les familles réfugiées et demandeuses d’asile (FRQSC). Elle est chercheure régulière du SHERPA (Recherche, Immigration et Société) et psychologue, psychothérapeute, membre de l’Ordre des psychologues du Québec.

Garine Papazian-Zohrabian est née et a fait ses études au Liban. Elle a travaillé avec Médecins Sans Frontières en Arménie où elle a effectué sa recherche pour l’obtention de son Doctorat en psychologie clinique. Sa recherche portait sur les deuils et les traumatismes psychiques de guerre des enfants du Haut-Karabagh. Rentrée au Liban en 1996, elle y a travaillé en tant que psychologue clinicienne. Après 2 ans, elle a entamé une carrière universitaire (enseignement et recherche) à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth. Elle y a aussi dirigé l’Institut libanais d’éducateurs de 2002 à 2010. Elle est installée au Québec depuis juin 2010.

Son expérience clinique, ses recherches, son enseignement et ses publications s’inscrivent dans les approches psychanalytique, développementale, systémique et transculturelle. Ils portent sur le développement de l’enfant, son adaptation et ses apprentissages, les processus migratoires et leur influence sur la santé mentale des jeunes, les  processus normaux et pathologiques des deuils, les traumatismes et leur transmission, leur influence sur l’adaptation de l’enfant et sur ses apprentissages ainsi que la construction et l’expression identitaire.

Nathalie Plaat est psychologue clinicienne, chroniqueuse au quotidien Le Devoir et enseignante à la maîtrise au CERC de l’Université de Sherbrooke où elle poursuit aussi des études doctorales. Ses travaux portent sur l’évacuation des questions existentielles dans la pratique de la médecine. Devant nos souffrances psychologiques contemporaines, elle propose une réflexion en marge du discours dominé par une pathologisation de nos états humains.

Titre et résumé des communications :

VIOLENCES COLLECTIVES, TRAUMATISMES TRANSGÉNÉRATIONNELS ET CONSTRUCTION IDENTITAIRE, Garine Papazian-Zohrabian

La communication portera d'abord sur une brève présentation des situations de violence collective, de leurs conséquences sur la santé mentale des personnes et sur la notion de traumatisme et de traumatisme transgénérationnel selon la perspective psychanalytique (approche théorique et clinique). Je passerai ensuite à la notion d'identité et présenterai les liens entre les traumatismes transgénérationnels et la construction identitaire. Je terminerai avec des implications pour les milieux de pratique.

ÉLABORER L'ABSENCE, Nathalie Plaat

Que nous reste-t-il de tout ce qui ne nous a pas été dit?

Qu’est-ce qui pèse le plus lourd? L’absence de représentation dans laquelle nous avons évolué, enfants, ou « les mots qui tuent » que nous avons entendus?

Et si, pour reprendre l’idée de Jung, « ce qui pèse le plus lourd sur les enfants, c’est cette vie que les parents n’ont pas vécue » ?

C’est cette mémoire, surtout, bien plus que celle des événements, pour lesquels nous avons des souvenirs ou, à tout le moins, des mots pour raconter, qui constitue notre espace de travail. Au « devoir du silence » de Ferenczi, nous substituons, patient après patient, œuvre après œuvre, ligne après ligne, un « devoir de mémoire ».

Nous, psys, écrivains, artistes, nous sommes devenus ce que Bion désigne comme ces « appareils à penser », en premier lieu, à tout ce que nos parents n’ont jamais su, vu et, surtout, dit d’eux-mêmes (ou de nous), mais aussi à tout ce que notre collectivité n’a pas encore nommé de ce qu’elle a vécu, dans son histoire plus ou moins récente.

Branchés sur l’inapparent, sur ce vide duquel jaillit un appel à dire tout ce qui ne se voit pas, mais qui, pourtant, empèse bien nos espaces, qu’ils soient personnels, relationnels ou collectifs, nous sommes devenus, parfois bien malgré nous, des « experts de l’absence », dédiés que nous sommes à sa lente élaboration.

Sur le visage de nos patients, sur celui de tous ces autres que nous côtoyons, un « cri » pour parler Lévinas, que nous captons, digérons et rendons, au mieux de ce que nous pouvons.

La transmission de traumatismes intergénérationnels est maintenant de plus en plus validée sur le plan empirique, même si sur le plan clinique, elle ne faisait aucun doute depuis des décennies. Le travail avec les survivants de deuxième et troisième générations de la Deuxième Guerre, en Europe ou ici, avait déjà convaincu nombre de cliniciens de son existence.

Au Québec, la résurgence, dans l’espace public des traumatismes infligés au peuple autochtone, celle des abus sexuels en général commis sous la domination de l’Église catholique ou sous forme d’inceste semble à peine débuter sa mise en langage collective, douloureuse, certes, mais aussi nécessaire et libératrice d’un poids qui se transférait d’une génération à l’autre.

Dans cet échange, il sera question de l’aspect parfois « positif » de ce que nous appelons les « réminiscences post-traumatiques » en nous appuyant sur la pensée de Bion et sur celles de Ferro, Winnicott et Le Bigot, notamment.

Il sera aussi question de ce que l’appel aux récits, réitéré chaque semaine dans les pages du quotidien Le Devoir, fait jaillir comme mise en langage de cette « mémoire issue du vide », vue non plus comme seulement une « injonction à dire » tyrannique, mais constitutive de ce qui propulse notre élan de psy, de créateur aussi et, ultimement, notre digestion collective d’un passé qui nous permettrait un meilleur vivre-ensemble présent et à venir.

Il est suggéré d’écouter en ligne le documentaire d’Hélène Magny Je pleure dans ma tête [Les traumas par les mots, ONF, 2022] avant la soirée-débat du 15 mars prochain. En ce temps où il est crucial de se sensibiliser aux enjeux liés à la migration et aux droits des enfants, ce film explore les séquelles psychologiques de la guerre et souligne l’importance de les comprendre pour aider à la réussite de l’intégration scolaire des enfants réfugiés au Québec.

La soirée-débat est préparée et animée par Madame Chantal Saint-Jarre, psychothérapeute psychanalytique membre de l'APPQ.

Chantal Saint-Jarre, Ph.D., a pris sa retraite de l’enseignement de la littérature au niveau collégial et de la pratique clinique privée. Outre de nombreux articles publiés en revues (psychanalyse, littérature), elle est l’auteure d’un essai [Du sida. L’anticipation imaginaire de la mort et sa mise en discours. Éditions Denoël, Collection l’Espace analytique, 1994 —Prix littéraire du GG 1994 - catégorie Études et Essais] et de trois études littéraires portant sur des textes d’auteurs du 19e siècle français [Victor Hugo (1999), Émile Zola (2008), Jules Verne (2014) : Éditions Beauchemin / Chenelière éducation]. Membre de l’APPQ depuis 1986, elle participe actuellement à la relance et à l’animation des soirées-débats, la première ayant porté sur le thème du deuil en temps de pandémie (2021-2022), la seconde (2022-2023), sur la mémoire collective.

Attention : les inscriptions pour cette activité se terminent le 14 mars à 18h.

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